Fréquents en France, les scandales financiers et politiques se font beaucoup plus rares en Suède. Dans le dernier classement de l’ONG Transparency Organisation, la Suède occupe une excellente place. La plupart des affaires impliquant le gouvernement, le parlement ou les administrations centrales sont de peu d’importance et concernent typiquement l’utilisation abusive de cartes de crédits à des fins personnelles. Pourtant, comme le montrent deux affaires récentes, la corruption est bien plus significative et insidieuse au niveau local.

La première affaire remonte au 2 février de cette année. Journal le plus lu dans la région de Göteborg et véritable institution locale, le Göteborgs Posten révèle alors que le garage de la ville, censé réparer les véhicules appartenant à la commune ou loués par elle, n’hésite pas à prendre en charge des véhicules privés. L’enquête du Göteborgs Posten met en évidence que de nombreux responsables de la ville, ainsi que leur famille, n’hésitent pas à y faire réparer leurs véhicules personnels, pour un coût trois fois moins élevé que ceux facturés par les garages traditionnels !

La seconde affaire date de mi-mars et concerne une société de containers qui loue depuis plusieurs années des emplacements de parkings pour remorques. Problème : le terrain loué n’appartient pas à cette société mais au port de la commune de Göteborg ! Or jamais la ville n’a autorisé la location du terrain et encore moins perçu quelque pourcentage que ce soit sur les loyers encaissés. Cerise sur le gateau, le Göteborgs Posten révèle que l’ancien Pdg du port de Göteborg siège au conseil d’administration de ladite entreprise !

Ce type d’affaires suit généralement un scénario classique. Certaines des personnes impliquées dans le scandale se justifient en bafouillant des explications que nul ne comprend tandis que d’autres nient farouchement tout en s’offusquant que leur probité soit mise en cause. Le jour suivant la parution des articles, les politiques, qui bien qu’en charge des ces activités n’avaient rien vu venir, s’indignent publiquement tandis que la justice annonce l’ouverture d’une enquête. Assez traditionnellement les acteurs impliqués sont virés quelques mois plus tard, le plus souvent avec indemnités.

Tout est donc bien qui finit bien : les journalistes ont enquêté et dénoncé, les politiques ont réagi et pris les décisions qui s’imposent tandis que les méchants sont sanctionnés. Mais les bonnes questions ont-elles été soulevées ?

Dans le premier cas, au-delà du fait que certains font de bonnes affaires au détriment du contribuable, se pose une autre question : si le garage de la commune a le temps de réparer de nombreux véhicules privés, cela signifie que son activité a été mal dimensionnée et c’est bien la sous-utilisation de cette ressource qui permet à des employés de prendre en charge des véhicules privés. Question : pourquoi la ville dispose-t-elle d’un garage privé fonctionnant manifestement en sous-charge au lieu d’utiliser l’offre disponible sur le marché ? Cette solution, favorable au contribuable, permettrait d’obtenir un coût strictement proportionnel au service fourni en lieu et place d’une dépense budgétaire fixe surdimensionnée.

Dans le second cas, la ville dispose d’un grand terrain inexploité depuis plusieurs années, au point qu’elle en ignore l’existence. Question : pourquoi, puisque manifestement la ville ne se sert pas de cette ressource, ne la vend-elle pas ou ne le loue-t-elle pas directement aux propriétaires de remorques?

Curieusement ces deux questions, pourtant triviales, n’ont jamais été soulevées.

Un résumé de cet article a été publié dans l’édition du Göteborgs-Posten du 19 juin 2017 :